L'angoisse et la crise d'angoisse : quand est-ce « normal » et quand consulter ?

04/09/2025

L'angoisse (anxiété) est une réaction naturelle du corps et de l'esprit face à une menace ou à un stress. À petites doses, elle nous aide : elle nous prépare à un examen, nous garde vigilants au volant, ou nous motive à donner le meilleur de nous-mêmes. Le problème commence lorsqu'elle devient trop fréquente, trop intense, ou qu'elle surgit sans raison apparente. Si vous avez l'impression que l'inquiétude prend trop de place dans votre vie, vous n'êtes pas seul·e. Ce texte propose des repères concrets et un regard psychanalytique — et, à la fin, des pistes pour une thérapie de l'angoisse.

D'une peur ordinaire au symptôme

Fobie, peur, angoisse: des différences claires

La peur et l'anxiété se ressemblent à la surface : le cœur bat, la respiration s'accélère, les pensées s'emballent. La différence tient à l'objet et au temps.

La peur répond à un danger réel, présent : au bord d'un rocher glissant, le corps se « tend », puis relâche une fois le danger passé.

La phobie, elle, est une peur disproportionnée et persistante accrochée à un déclencheur précis : avion, ascenseur, araignée, grands espaces, regard d'autrui… Elle se déclenche à la simple anticipation, entraîne l'évitement et rétrécit la vie. Du point de vue psychanalytique, la phobie fonctionne souvent comme une architecture de l'anxiété : la psyché « accroche » une tension diffuse à un objet saisissable pour pouvoir la gérer. Sans travail sur le sens, l'anxiété tend à se déplacer : le masque change, la tension demeure.

L'anxiété est plus diffuse : tension, oppression thoracique, nervosité… sans savoir « de quoi » exactement. Le corps parle fort, mais sans désigner précisément « quoi ». En langage psychanalytique, l'anxiété est un signal du moi (Freud) indiquant qu'on s'approche d'un danger interne — conflit entre ce que l'on désire et ce qui « se fait ». Lacan ajoute qu'elle surgit là où les mots manquent : un contact avec ce qu'il appelle le Réel.

Pour résumer, l'anxiété est sans objet : « il se passe quelque chose » sans savoir où. La phobie donne une adresse à l'angoisse : « c'est là ». L'angoisse généralisée n'a pas de centre unique et se répand tout au long de la journée. Les « grands ensembles phobiques » — agoraphobie, angoisse sociale — ne pointent pas un seul objet, mais un type de situations (sans issue, sous le regard évaluateur).

Besoin d'aide pour démêler ce que vous traversez ? Vous pouvez prendre un rendez-vous à Pontcharra ou en ligne.

Crise d'angoisse: Quoi faire au moment de la crise?

La crise d'angoisse est un pic d'angoisse. Le corps déclenche l'alarme : cœur qui s'emballe, souffle court, peur de mourir ou de « perdre la raison ». La vague culmine puis décroît (souvent en 10–20 minutes). Aidez-vous à retrouver un rythme : allongez l'expiration (plus longue que l'inspiration), ancrez-vous dans les sens (5 choses que je vois, 4 que je touche, 3 que j'entends, 2 que je sens, 1 que je goûte) et dites-vous à voix haute où vous êtes et que la vague va passer. Ensuite, évitez d'ancrer la crise par l'évitement : si possible, revenez sur le lieu — l'évitement est la « colle » qui maintient la crise.

Consultez si la tension persiste plusieurs semaines sans raison claire ; si l'évitement dicte vos journées ; si les crises d'angosse se répètent ; si les examens médicaux sont normaux alors que le corps « crie » ; si le sommeil ne restaure plus ; si alcool ou médicaments deviennent les seuls « boutons off » ; ou si vous avez l'impression de ne plus contrôler.
Règle simple : si l'anxiété rétrécit votre vie (relations, travail, temps libre), c'est une bonne raison de prendre rendez-vous. Lire plus sur la -> thérapie de l'angoisse.

⚠️ Si vous avez des idées d'auto-mutilation ou suicidaires, contactez une ligne d'urgence ou les services d'urgences. Cet article ne remplace pas une aide professionnelle.

Ce que vous pouvez faire dès aujourd'hui

  • Rythme : sommeil régulier, repas, mouvement doux.

  • Respiration & ancrage : 1–2×/jour (expiration plus longue ; 5–4–3–2–1 des sens).

  • Écriture : 5 minutes/jour — quand, à quels mots/situations l'anxiété entre (ta carte se dessine).

  • Limiter caféine et alcool (souvent aggravants à moyen terme).

  • Parler à quelqu'un de confiance : l'anxiété faiblit quand elle a un destinataire.


  • L'approche psychanalytique

    Ce qu'est l'angoisse du point de vue psychanalytique

    L'anxiété n'a pas une seule cause — elle a des couches :

    • Biologique : système d'alarme du cerveau et des hormones du stress.

    • Psychologique : expériences précoces, habitudes de réaction, manière d'affronter perte, culpabilité, colère, désir.

    • Sociale : attentes, pression, « il faut pour être aimé·e ».

    Pour la psychanalyse, l'anxiété n'est pas un échec, mais un message. On observe les schémas : quand monte-t-elle ? qu'est-ce qui l'augmente, qu'est-ce qui l'apaise ? On écoute les conflits entre « je veux », « il faut », « j'ai le droit ». On prête attention au corps : où s'inscrit l'anxiété (poitrine, estomac, gorge) ; quels mots ou noms l'allument. En séance, je travaille avec les associations libres, les rêves et ce qui se passe entre nous (le transfert). Plus sur ma pratique : à mon sujet (/o-mne).

    Comment l'anxiété se manifeste (dans le corps et dans les mots)

    Dans la parole : formules floues (« je me sens bizarre », « comme derrière une vitre », « et si… », « je dois… »), accrocs, brusques changements de sujet, silences à certains mots/noms.
    Dans le corps : palpitations, oppression, nœud au ventre, bouche sèche, vertiges, troubles du sommeil, besoin de tout contrôler. Ne pas tout cocher n'invalide pas ce que vous vivez : chaque corps parle à sa manière.

    Comment un psychanalyste travaille avec l'angoisse

    Il ne traite pas l'anxiété comme une « erreur à supprimer », mais comme une clé pour comprendre ce qui, chez vous, demande la parole. 

    Parfois, les premières séances servent à lier l'anxiété (cadre stable, nommer ce qui « pique »). D'autres fois, on travaille un symptôme précis (actes répétitifs, détours phobiques). Quand l'inhibition domine (fonctionnement « rabaissé » de la parole, du travail, de la sexualité), on commence par libérer un peu de fonction. Si l'anxiété est trop diffuse, on solidifie d'abord le cadre (horaire régulier, fin claire, parfois écriture/rituel) — puis on ouvre le sens.

    Le but n'est pas « ne plus jamais ressentir d'angoisse », mais changer sa place : qu'elle cesse de diriger et commence à orienter.

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    Je suis psychanalyste. Je propose des consultation en cabinet ou en ligne.

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    Bibliographie

  • Freud, S. (1926). Inhibition, symptôme et angoisse.

  • Lacan, J. (1962–1963). Le Séminaire, Livre X : L'angoisse.

  • Jones, E. (1931). Le Cauchemar [On the Nightmare].

  • Leader, D. (2008). Le Nouveau noir : Deuil, mélancolie et dépression [titre traduit].

  • Bollas, C. (1987). L'Ombre de l'objet : Psychanalyse du « connu non pensé ».

  • Torres, R., & Burgoyne, B. (dir.). (2012). Psychanalyse lacanienne avec les bébés, les enfants et les adolescents [titre traduit].

  • Butler, J. (1997). La vie psychique du pouvoir : Théories de la sujétion.

  • Organisation mondiale de la Santé. (2017). Dépression et autres troubles mentaux courants : Estimations sanitaires mondiales.

  • American Psychiatric Association. (2013). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (5e éd.).

  • Hofmann, S. G., Asnaani, A., Vonk, I. J., Sawyer, A. T., & Fang, A. (2012). L'efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale : revue de méta-analyses. Cognitive Therapy and Research, 36(5), 427–440.

  • Leichsenring, F., & Klein, S. (2014). Données probantes pour la psychothérapie psychodynamique dans des troubles spécifiques : revue systématique. Psychoanalytic Psychotherapy, 28(1), 4–32.